Le vieillissement de la peau

Inéluctables ! C’est l’adjectif qui qualifie le mieux les marques du temps sur notre peau. Tout le monde est concerné, mais nous ne sommes pas tous égaux face au vieillissement. A l’âge, il convient d’ajouter bien d’autres facteurs, génétiques, comportementaux et environnementaux, influençant l’expression de ce processus.

La peau, miroir de notre âge biologique

Le vieillissement est un processus physiologique commun à tous les organismes vivants, et irréversible.

Le vieillissement cutané traduit l’âge biologique d’un individu. Comme tous les organes, notre peau s’use au fil des années. Le ralentissement de l’activité cellulaire s’accompagne d’une modification lente de la structure de la peau. Mais à la différence des autres organes, cette détérioration est visible. Souvent mal vécu, ce phénomène est pourtant une sorte de signal d’alerte pour rappeler que tout le corps vieillit et qu’il est nécessaire d’en prendre soin.

Une histoire qui commence à la naissance…

Toute la vie, la peau conserve une même organisation (épiderme, derme et hypoderme) et un rôle unique de protection. En revanche, les caractéristiques physiologiques et structurelles de chaque couche cutanée évoluent, conférant à la peau des qualités différentes selon l’âge.

Chez le nourrisson, la maturation cellulaire est incomplète, ce qui rend la peau du bébé plus sensible aux agressions extérieures. La couche superficielle est mince et le FHL (film hydrolipidique naturel qui sert à maintenir la peau hydratée) est peu développé, accentuant la perméabilité de la peau. Autre caractéristique, la peau du bébé ne possède pas encore les armes suffisantes pour se défendre contre les agressions des UV, en raison d’un déficit en mélanocytes.

A la puberté, la sécrétion des hormones sexuelles contribuent à la transformation du corps en général, de la peau en particulier. Souvent caractéristique de l’adolescence, l’acné est directement influencée par les hormones mâles (androgènes). La sécrétion excessive de sébum et sa rétention anormale au niveau des pores de la peau sont à l’origine des lésions (boutons rouges, points noirs) d’acné. La peau est terne et grasse. L’acné régresse dans la majorité des cas à l’âge adulte. Mais la peau reste sous l’influence des hormones. Au cours de la grossesse par exemple, période caractérisée par une imprégnation hormonale plus importante, on observe une sécheresse cutanée, une plus grande sensibilité de la peau, et une hyperpigmentation (appelée masque de grossesse). Dans certains cas, des lésions acnéiques peuvent réapparaître.

L’âge adulte est marqué par un ralentissement de l’activité cellulaire cutanée, ayant pour conséquence un relâchement et une perte de tonicité de la peau. Les rides, la sécheresse cutanée et l’apparition de taches brunes sont caractéristiques de la peau sénescente. Ces signes sont accentués chez les femmes à la ménopause, en raison du déséquilibre hormonal.

La peau, un organe sous influence

Les hormones sexuelles influencent la qualité de la peau et expliquent les différences entre les hommes et les femmes. En effet, les hormones mâles (androgènes) favorisent la sécrétion de sébum et la croissance des poils. C’est aussi sous leur action que les cheveux tombent. Ces hormones sont présentes chez les femmes mais en quantité minime. Les hormones féminines sont les oestrogènes et la progestérone. Au niveau de la peau, les oestrogènes ont un rôle stimulateur des cellules cutanées. Elles participent au renforcement de l’épiderme (en activant la production des kératinocytes) et du derme (en stimulant l’action des fibroblastes). Il en résulte une synthèse des différents constituants (collagène, élastine, glycosaminoglycanes) conférant à la peau sa tonicité et son élasticité. Les oestrogènes influencent également la sécrétion de sébum et de sueur, favorisant ainsi le développement du FHL. La progestérone agit principalement en s’opposant aux effets des androgènes.

Pourquoi la peau vieillit-elle ?

Le vieillissement est un processus normal et irréversible, résultant de la combinaison de causes diverses internes et externes. Certaines de ces causes sont évitables.

Les causes physiologiques

D’une manière générale, le vieillissement biologique s’accompagne d’une dégradation des structures cutanées associée à une diminution de leur renouvellement. Les propriétés de la peau (élasticité, tonicité, fermeté) régressent.

Les causes mécaniques

Sourire, moue boudeuse, grimace… les expressions du visage permettent, comme la parole, de communiquer. Elles sont possibles grâce aux nombreux muscles (dont les célèbres zygomatiques) de la face et du cou. Mais les mouvements répétés et ininterrompus du visage finissent par marquer la peau et favorisent la survenue des rides et ridules.

Les causes hormonales

Les cellules de la peau étant très influencées par les hormones, il est normal que le déséquilibre hormonal provoqué par la ménopause accentue les signes du vieillissement. Dans un premier temps, lorsque le taux de progestérone chute (vers 45 – 50 ans), l’influence des hormones androgènes est plus marquée ; cela peut se traduire par une augmentation de la sécrétion de sébum (la peau est plus grasse), par une chute des cheveux et un développement de la pilosité (au menton, au niveau de la moustache).

Dans un deuxième temps, le taux d’oestrogène s’effondre, à l’origine de manifestations en cascade. La diminution de la synthèse de kératinocytes s’accompagne d’un amincissement de l’épiderme et d’une désorganisation de cette couche. La peau devient plus fine, mais aussi plus dure dans certaines zones. Les mélanocytes qui fabriquent la mélanine sont moins nombreux et se répartissent de manière anarchique. La peau devient plus blanche et des tâches de couleur apparaissent. La baisse d’activité des glandes sébacées et sudorales entraînent un appauvrissement du FHL. La peau s’assèche et devient plus sensible à la déshydratation. Au niveau du derme, la synthèse de collagène et d’élastine s’épuise, causant un relâchement et une perte d’élasticité. Enfin, le réseau sanguin du visage s’altère, ce qui se traduit par un teint plus pâle et plus terne, ou par une accentuation de la couperose caractérisée par des marques violacées sur les pommettes et le nez.

Les causes externes

Les UV, la pollution, le tabac ou l’alcool sont des causes non biologiques sur lesquelles il est possible d’intervenir. Une mauvaise alimentation, le stress et le manque de sommeil s’ajoutent également à cette liste.

Les autres causes

Certaines pathologies métaboliques telles que le diabète ou des maladies hormonales exposent à un vieillissement précoce de la peau. En outre, des médicaments, dont les diurétiques (utilisés dans l’hypertension artérielle) ou la cortisone contribuent à accentuer certains signes du vieillissement cutané.

Les UV, complices du vieillissement !

Première cause de vieillissement prématuré, l’exposition excessive au soleil est un comportement encore trop souvent pratiqué. Au fil du temps, la peau ne dispose plus des mêmes armes contre le soleil. La synthèse de mélanine s’épuise, le FHL est plus fin. Il faut donc être prudent et se protéger avec des produits de protection solaire maximale, anti UVA et anti UVB. L’agression de la peau par les UV accélère le processus de dégradation cellulaire et favorise l’assèchement de la peau. Les UVA en particulier favorisent la formation de radicaux libres, et créent des dommages irréversibles au niveau des cellules du derme.

Ma peau, plus belle sans la cigarette !

La liste des méfaits du tabac est longue, et la détérioration cutanée n’est pas des plus grave. Mais cette toxicité apparente peut être décisive pour encourager un sevrage tabagique. Au niveau du tissu cutané, la nicotine favorise la formation de radicaux libres. Ces composés chimiques ont une action délétère sur les cellules de la peau et participent à leur dysfonctionnement précoce. La nicotine agit également en altérant la microcirculation vasculaire du visage, conférant aux fumeurs ce teint grisâtre et terne.

Ciel, j’ai une ride !

La ride reste le symbole du vieillissement, le signe le plus évocateur et le plus redouté. La ride est une conséquence mécanique des modifications structurelles de la peau. L’appauvrissement en fibres de collagènes et d’élastine tout d’abord conduit à la perte d’élasticité et de fermeté. Le dessèchement lié à la déficience en FHL, et la déshydratation causée par le manque de substances pouvant capter l’eau (les glycosaminoglycanes, dont l’acide hyaluronique), provoquent un affaissement du tissu cutané. Les sillons se creusent, laissant apparaître des ridules puis des rides de plus en plus visibles au repos.

D’une manière générale, les premières rides surviennent au niveau des zones les plus expressives, entre les sourcils (rides du lion). Les rides périlabiales (autour des lèvres), frontales et les rides de la patte d’oie (coin externe des yeux) apparaissent ensuite. Le sillon nasophagien, entre le nez et les commissures des lèvres), devient plus marqué par relâchement de la peau. L’affaissement de la peau associé à la pesanteur accentue les plis, se traduisant par la formation de bajoues et d’un double menton.

Comment accompagner le vieillissement de la peau ?

Si le vieillissement est irréversible, cela ne signifie pas qu’on ne peut rien faire pour le freiner. Qu’ils soient préventifs ou traitants, les soins apportés à la peau permettent de limiter l’expression du temps sur le visage. Dans tous les cas, ces soins doivent être apportés le plus tôt possible, avant même l’installation des signes visibles.

• Les soins préventifs : ils regroupent les crèmes hydratantes et antioxydantes, et les produits de protection solaire. Ils visent à maintenir l’état d’hydratation, à renforcer les mécanismes naturels pour se débarrasser des radicaux libres, et à lutter contre les agressions des UV. Les soins préventifs ne se résument pas à l’application de crèmes anti-âges. Ils s’inscrivent dans une démarche globale comprenant une hygiène de vie saine et équilibrée. Le tabac et l’alcool sont à proscrire. Au contraire, les fruits et les légumes (pour leurs vitamines et leurs substances anti-oxydantes), un bon sommeil et une activité physique sont recommandés. Et n’oubliez pas, la peau a besoin d’eau, c’est-à-dire d’un apport hydrique suffisant pour bien l’hydrater.
• Les soins curatifs : il est important d’anticiper les mécanismes aboutissant aux rides et autres signes de vieillissement. Les anti-âges à base d’actifs hydratants et antioxydants sont recommandés chez le jeune adulte. Les crèmes visant à redensifier et redonner une certaine tonicité à la peau sont préconisées chez les femmes plus matures, à partir de 40 ans.

Les actifs anti-vieillissement en détail

Les produits hydratants

Il s’agit de substances capables d’absorber une grosse quantité d’eau, et de la conserver dans le but d’hydrater sa peau. On utilise des macromolécules telles que l’acide hyaluronique, le collagène, des acides aminés de fruits et des substances hygroscopiques naturellement présentes au niveau de la peau (urée, acide lactique).

Les produits relipidants

Ils visent à nourrir la peau afin de pallier le dessèchement liés à la perte en lipides. Ils exercent une action filmogène permettant de compenser la déficience en FHL. On utilise des céramides, des cires, des huiles végétales d’argan ou d’onagre, de jojoba et de karité, et des acides gras insaturés.

Les antioxydants antiradicalaires

Ils visent à renforcer les mécanismes anti-oxydants naturels luttant contre les radicaux libres. ce sont les bêta-carotènes, les polyphénols (thé vert), les vitamines A,C et E, des minéraux dont le zinc et le sélénium, le coenzyme Q10 ou des extraits d’algues marines. Ces substances sont utilisées en soins cosmétologiques et en compléments alimentaires.

Les stimulants cellulaires

Ils visent à stimuler l’activité des cellules, en particuliers des fibroblastes qui produisent le collagène et l’élastine. On utilise le ginseng, le rétinaldéhyde ou le rétinol (vitamine A).

Les produits antidégradation

Il s’agit de produits destinés à limiter l’action des enzymes de dégradation de l’élastine (les élastases) et du collagène (les anticollagénases) pour maintenir l’état des fibres cutanées.

Les exfoliants

Ils visent à nettoyer la peau des cellules mortes afin de régénérer le derme. On utilise les acides alpha-hydroxyacides (AHA) (acide glycolique, malique, citrique), l’acide salicylique, l’urée et le rétinaldéhyde.

Les tenseurs

Ils permettent de redensifier et raffermir la peau, et de lui redonner du tonus. Parmi les plus utilisés, on trouve le collagène, l’acide hyaluronique, l’élastine. Ils sont proposés en crèmes à appliquer ou en injection intradermique (par un professionnel de santé).

Les produits dépigmentant

Ils sont préconisés pour atténuer les taches de couleur. Les AHA, le rétinol ou la vitamine C sont les plus utilisés.

Les veinotoniques

Ils visent à améliorer la circulation vasculaire du visage (flavonoïdes, saponosides).

Les filtres solaires anti UVA et UVB

Ils entrent dans la composition de nombreux soins anti-âges. Cependant, ils ne remplacent pas l’application d’une crème solaire d’indice élevé en cas d’exposition.

N’oubliez pas le décolleté !

On a tendance à les oublier et à les négliger. Pourtant, le cou et le décolleté sont eux aussi victimes des effets de l’âge. L’altération de la structure cutanée associée à l’exposition solaire fréquente entraînent un relâchement de l’ensemble de cette zone. Comme pour le visage, des soins hydratants, raffermissants et tenseurs doivent être apportés le plus précocement possible.

→ Interview avec Anny Cohen Letessier, dermatologue

Souvent considéré comme purement esthétique, la prévention du vieillissement cutané sert un intérêt bien plus global : aider à vieillir en bonne santé. Entretien avec le Docteur Anny Cohen-Letessier, dermatologue, membre de la société française de dermatologie (SFD) et du groupe de dermatologie esthétique et correctrice.

Pourquoi est-il important de prévenir le vieillissement cutané ?

A.C-L : Le but n’est pas d’empêcher de vieillir, ce qui se révèle impossible, mais de vieillir dans les meilleures conditions possibles. La peau n’est pas la seule à subir les conséquences du temps. Les autres organes vieillissent aussi, même si le phénomène est moins évident car moins visible. C’est pour cela que les soins apportés à la peau contre le vieillissement peuvent être considérés comme une porte d’entrée à une prise en charge globale de la santé.

A quel âge est-il recommandé de débuter les soins ?

A.C-L : on peut raisonnablement conseiller de commencer à protéger sa peau contre les effets du temps entre 20 et 25 ans. L’hydratation est un geste incontournable. Outre l’application de produits dermocosmétiques, l’hygiène de vie est un critère à ne pas négliger. De nombreuses études ont démontré l’influence des facteurs environnementaux sur l’évolution de la peau. Ces facteurs peuvent modifier positivement ou négativement notre bagage génétique initial. Parmi les plus néfastes, on peut citer le tabagisme et l’exposition excessive au soleil, le stress récurrent ou le manque de sommeil. La prévention du vieillissement cutané permet de mettre en garde contre ces comportements à risque, mais évitables.

Quel est le rôle du dermatologue dans l’accompagnement du vieillissement cutané ?

A.C-L : Aider à vieillir en bonne santé est un des objectifs de la prise en charge dermatologique. Malheureusement, en France, on ne fait pas suffisamment de médecine préventive. Les dermatologues sont souvent consultés trop tard, tandis que la lésion s’est développée. C’est pourquoi il est conseillé de consulter régulièrement, en particulier pour les personnes considérées à risque (présentant de nombreux grains de beauté par exemple). A côté des dermatologues, les esthéticiennes et les coiffeurs ont également un rôle fondamental dans la détection d’une anomalie cutanée ou pour véhiculer les messages de prévention.