Coline Stagnoli veut soutenir les parents au moment de la diversification alimentaire
La diversification alimentaire est une étape importante de la vie des bébés et de leurs parents. Mais les premiers, comme les seconds d’ailleurs, peuvent rapidement se lasser des purées. Et si la solution se trouvait dans la diversification menée par l’enfant (DME ou alimentation autonome) ? Cette méthode consiste à proposer aux bébés, dès qu’ils sont prêts (généralement vers l’âge de 6 mois), des aliments tendres et bien cuits mais non mixés, que l’enfant peut manger seul, souvent avec les doigts. Pour soutenir les parents dans leur démarche, Coline Stagnoli a créé Jeannou Mange Comme Nous, une plateforme de conseils et de recettes ultra-accessible… et très alléchante. Rencontre avec cette jeune maman experte en nutrition pédiatrique.
Racontez-nous votre parcours et ce qui vous a conduit à créer Jeannou Mange Comme Nous ?
J’ai un parcours professionnel plutôt classique : après une école de commerce et un passage par l’Institut français de la mode, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans le marketing-développement d’entreprises de cosmétologie. Ma fille aînée, Jeanne, est née en 2019 et sa diversification alimentaire a débuté au moment du premier confinement, en mars 2020. Face aux informations délivrées par le pédiatre, je me suis retrouvée un peu décontenancée, notamment parce qu’il fallait tout peser et qu’après avoir allaité à la demande (je faisais donc confiance à ma fille sur les quantités), j’ai trouvé cela très étriqué. Je me suis donc mise en quête d’infos sur le sujet et, après avoir cherché assez longuement, j’ai découvert le principe de la diversification menée par l’enfant. J’ai décidé de me lancer et je me suis vite aperçue que non seulement j’étais plus à l’aise mais que c’était également le cas de ma fille : jouer avec les aliments, manger toute seule, c’est ce qui lui plaisait.
Mais lorsque la vie a repris son rythme normal après le confinement, lorsque de nouveau on rentrait du travail à 19 heures, qu’il fallait préparer le dîner en vitesse, on a été tentés se tourner vers les petits pots, mais notre fille ne les mangeait pas et n’aimait pas les purées. Il fallait donc cuisiner pour elle mais, par manque de temps, je lui servais toujours un peu la même chose. J’adore cuisiner et je me suis vite sentie frustrée de ne pas réussir à répondre à ses besoins avec une cuisine variée et savoureuse.
C’est ainsi que l’idée de Jeannou Mange Comme Nous a germé. Comme je n’étais pas très à l’aise dans mon job de l’époque, j’ai négocié une rupture conventionnelle avec mon employeur. Et, pendant le second confinement, j’ai décidé de créer un compte Instagram et de voir ce que cela donnerait. Trois mois plus tard, un éditeur m’a contactée pour écrire un livre sur le sujet : j’ai compris que mon concept avait de l’intérêt. Comme je ne voulais pas faire ça en dilettante, j’ai entamé une formation en nutrition pédiatrique et j’ai lu tout ce que je trouvais, notamment au Canada et en Australie, car la France n’est pas en avance sur le sujet… Mon diplôme en poche et le livre écrit, j’ai lancé l’abonnement Jeannou Mange Comme nous en janvier 2022.
LA DME consiste à permettre à l’enfant, même très jeune, de manger seul des aliments adaptés, mais en morceaux et le plus souvent avec les mains. Quels en sont les bénéfices ?
On sait aujourd’hui que c’est en variant les textures des aliments et les saveurs le plus tôt possible que l’on crée les bonnes habitudes. On évite ainsi la sélectivité alimentaire et on limite les conflits à table. Cuisiner pour notre bébé et pour le reste de la famille en même temps grâce à des recettes adaptées permet non seulement de gagner du temps mais aussi de varier davantage l’alimentation de nos tout-petits, et éventuellement de partager le repas, ce qui est également très positif.
Le retour le plus fréquent de nos utilisateurs, c’est que cela permet un déblocage : les parents qui débutent avec la DME ne savent pas toujours ce qu’ils peuvent donner ou non, cela génère un stress et, au final, ils finissent par toujours proposer la même chose et à ne pas oser passer aux morceaux. En étant guidés, ils sont rassurés et les enfants le sont également. Ils peuvent vraiment manger de tout, dans la mesure où l’aliment proposé est sécuritaire (sauf le miel avant un an, la charcuterie, la viande, le poisson et les œufs crus avant trois ans, et le lait et le fromage cru avant 5 ans).
Les enfants à qui on propose des aliments variés, même s’ils refusent parfois au début de les goûter, connaissent une grande variété de fruits et de légumes. Et on sait qu’à un moment donné, il y aura un déclic. C’est le fait de ne pas proposer l’aliment pendant des années qui peut faire perdurer ce blocage jusqu’à l’adolescence voire parfois à l’âge adulte.
Justement, concrètement, qu’elle est la bonne technique face aux refus alimentaires ? Faut-il préparer un menu spécial, ou au contraire tenir bon, même si cela implique que l’enfant ne mange pas ou peu ?
Si on prépare un repas « backup » lorsque l’enfant refuse ce qu’on lui propose, et même si l’enfant n’est pas manipulateur, on sait qu’il se dira : « Pourquoi accepter de manger ça si dans tous les cas maman me propose une alternative ? »
Ce que je préconise, c’est de toujours mettre dans une assiette un aliment pas aimé ou inconnu à côté d’un aliment aimé. C’est la règle des 70-30 : 70% d’aliments copains et 30% d’aliments non-copains. Cela rassure l’enfant qui sait, en voyant son assiette, qu’il aura quelque chose à manger. Et ça rassure aussi les parents…
Au départ, l’aliment que le bébé n’aime ou ne connaît pas, il va peut-être l’enlever de son assiette. Un jour, il le tolèrera dans son assiette, puis un jour il le touchera, puis le sentira et, éventuellement, il finira par le goûter.
Je conseille également de poser sur la table l’ensemble du repas : l’entrée, le plat, le dessert. L’enfant sait que c’est là l’ensemble son dîner et qu’on ne fera pas d’aller-retour jusqu’au frigo pour sortir autre chose. On évite aussi le fameux « si tu ne manges pas ton plat, tu n’auras pas de dessert », qui a tendance à placer le dessert sur un piédestal par rapport au brocoli par exemple, et est finalement assez délétère.
Mettre en scène les aliments, rendre le repas ludique, est-ce une bonne idée ?
Oui c'est très important ! Il faut avoir à l’esprit que comme nous, les enfants ont besoin d'une assiette attractive, donc on doit soigner la présentation comme on le ferait pour nous : idéalement, on propose les aliments en petite quantité dans une assiette neutre, quitte à resservir l’enfant, plutôt que lui proposer une grosse assiette très remplie qui peut faire peur.
Si l'enfant commence à bouder son plat, on peut alternativement changer d'assiette, séparer les aliments ou changer de lieu : un dîner sur la table basse, ça peut tout changer ! Autre idée : réaliser des serpentins avec les pâtes et les légumes ou utiliser des accessoires comme des petits pics animaux, leurs figurines ou héros préférés…
L'enjeu est de les rassurer et de faire du moment du repas un moment de plaisir et d'échange donc on ne va pas distraire mais jouer (car tout est un jeu pour eux !) pour apporter de la bonne humeur lors des repas, qu'ils soient faciles ou plus compliqués.
Lorsque les enfants sont gardés en crèche ou chez une nounou, il n’est pas toujours simple de faire accepter le fait qu’ils mangent des aliments solides, très jeunes. Comment réagir ?
Personnellement, j’encourage plutôt les parents à être ouverts. Et si l’enfant apprécie les purées, à accepter qu’il en mange. Si ce n’est pas le cas, il ne faut pas hésiter à discuter directement avec les professionnels. Les principes de la DME sont encore assez peu connus en France, mais ont commencé à apparaître sur MangerBouger.fr notamment. Les choses vont dans le bon sens et j’ai bon espoir que dans quelques années, ce soit accepté et pratiqué plus largement.
Concrètement, comment fonctionne votre plateforme Jeannou Mange Comme Nous ?
Nous proposons une formule avec un engagement d’un an à 8€ par mois : 5 plats par semaine, l’accès à nos 400 recettes, des conseils pour la préparation de batchcooking (qui consiste à préparer l’essentiels des plats, et notamment les légumes à l’avance), lorsqu’on a le temps pour s’organiser. Nous proposons des versions pour les bébés dès 4 mois, 6 mois, 9 mois et bientôt pour les enfants à partir de 18 mois. L’abonnement donne accès à un guide « Babyfood », qui décrypte toutes les recommandations nutritionnelles en fonction de l’âge de l’enfant et permet de passer de la théorie à la pratique. Cet abonnement comprend aussi un ebook avec des recettes de goûter ou d’apéro adaptées aux enfants, avec l’accès à un groupe Facebook pour échanger de manière informelle avec moi et avec d’autres mamans. Nous proposons aussi une formule « SOS » pour un mois, qui répond aux besoins plus ponctuels tels que vacances chez les grands-parents par exemple.
L’idée c’est vraiment de faciliter la vie des parents, car même si on doit cuisiner, les plats proposés sont rapides, simples et peuvent être réalisés avec les enfants.
Pouvez-vous nous donner une idée de recette que vous appréciez particulièrement pour l’automne ?
J’aime beaucoup la poêlée de farfalles, potimarron et pois chiches. Il y a les aliments copains qui sont les pâtes, assez faciles à manger y compris pour les bébés de 6 mois. Et puis le potimarron est intéressant car non seulement on va en manger tout l’hiver, mais aussi parce que sa saveur sucrée est généralement appréciée des petits. On peut a priori hésiter à donner des pois chiches, car ils sont ronds et durs mais lorsqu’ils sont cuits, on peut les écraser avec le dos de la fourchette, et y ajouter un peu de jus de citron, ce qui est idéal pour l’absorption du fer. Car l’idée derrière tout cela, c’est aussi d’optimiser les apports nutritionnels de nos tout-petits !
Retrouvez toutes les idées de recettes et conseils de Coline Stagnoli sur Jeannoumangecommenous.com
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