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Héloïse des Monstiers : comment la naissance prématurée de ses bébés a changé sa vision de la vie 


Maman de trois enfants nés prématurément, Héloïse des Monstiers est l’auteure de « Peau à Peau ». Un hommage aux professionnels qui chaque année se battent pour sauver des dizaines de milliers de bébés nés avant terme en France. Et le récit bouleversant sur le combat de ces petits et de leurs parents, mais aussi sur la transformation d’une femme et de sa vision de la vie par cette maternité. 


Racontez-nous votre parcours et la genèse de votre livre, « Peau à Peau » ? 

Quand je tombe enceinte la première fois, j’ai 30 ans, je suis mariée à l’homme que j’aime, mon entreprise, créée 5 ans plus tôt, tourne à plein régime, je fais partie de la délégation des entrepreneures emmenées au G20 par Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Bref, je suis en mode « success woman » et j’ai, à ce moment-là, un sentiment, complètement niais avec le recul, de toute puissance, l’impression que la vie est facile et que rien ne peut ternir le tableau. Tout bascule lorsque, pendant les fêtes de Noël, à 30 semaines de grossesse, je suis prise, une nuit, de terribles douleurs au ventre. Je suis d’abord dans le déni, pensant à une indigestion. Mais ma mère insiste pour qu’on appelle les pompiers. Nous sommes alors à Avoriaz, une petite station haut-perchée des Alpes, et je me retrouve dans l’ambulance qui me conduit à l’hôpital, sur des routes de montagne, de nuit, sous la neige… Je saigne et suis obnubilée par l’idée que mon enfant ne survivra pas. La scène est surréaliste. Cette nuit-là, j’accouche de ma première fille, Garance, qui passera près de deux mois à l’hôpital, en couveuse. 


Pourquoi avoir écrit ce livre « Peau à Peau », plusieurs années après ? 

Au-delà de l’histoire personnelle, j’avais envie de raconter le quotidien que vivent 60 000 familles chaque année en France. Je voulais rendre hommage aux médecins de notre pays, aux puéricultrices également, qui font un travail formidable et ne sont pas toujours bien traités, du moins dans l’hôpital public. J’avais envie de lever un tabou qui est encore très fort en France. On commence à parler de nombreux sujets autour de la maternité, mais pendant la grossesse, sauf si vous êtes enceinte de jumeaux ou de triplés, on ne vous parle pas de la prématurité. On ne vous dit pas ce que ça veut dire un bébé qui naît à 6 mois. Sans doute parce qu’on ne veut pas inquiéter les femmes enceintes, au motif, peut-être, que ces petites femmes ne sauraient pas gérer l’inquiétude ? En tout cas, quand ça vous arrive, vous vous retrouvez avec 1000 questions et vous n’avez pas de référent sur le sujet. 


Comment s’est passé le retour à la maison avec votre petite fille née prématurément ? 

C’est une autre étape très particulière. Pendant deux mois, à l’hôpital, des professionnels, médecins et puéricultrices, ont joué votre rôle. Et du jour au lendemain, vos comprenez que cette responsabilité désormais vous incombe. D’autant que la prématurité, elle dure en réalité 7 ans. Il faut attendre 7 ans avant de savoir si oui ou non cette naissance prématurée laissera des séquelles à votre enfant. C’est très, très long. 


Qu’est-ce que ces épreuves de la prématurité vous ont appris, sur vous et sur la vie ? 

La première chose, c’est que nous sommes tous égaux. Même quand on a une vie facile, sans problèmes matériels, finalement, nous sommes tous au même niveau. Et nous faisons comme les autres face à ce triptyque : la vie, la mort, l’amour. Quand je me suis retrouvée face à mon bébé d’un kilo, qui chaque jour se battait, s’accrochait à la vie, il n’y a finalement plus grand-chose d’autre que l’essentiel qui compte. L’essentiel, ce n’est pas de créer des boîtes, de partir en vacances. L’essentiel, c’est de vivre, de se battre, de profiter de chaque doux moment. Car on peut être hyper heureux le lundi et un drame peut surgir le mardi et tout faire basculer. 

En fait, quand vous frôlez la mort, la vôtre ou celle de votre enfant, vous n’êtes plus du tout dans la même logique de vie. Aujourd’hui, j’ai trois enfants, et il en faut vraiment beaucoup pour m’angoisser, pour m’inquiéter. 

La deuxième chose que cela m’a appris, c’est que nous sommes tous interconnectés. Ma fille a été sauvée grâce à des médecins, grâce à des puéricultrices mais aussi à des mamans d’une générosité inouïe, qui donnent leur lait. On le sait très peu, mais en France, on peut donner son lait comme on donne son sang. Et ce lait est vital pour ces enfants prématurés. Sans ce lait, aucun de mes enfants n’aurait pu survivre. 


Y a-t-il des soins, des gestes spécifiques à apporter aux bébés prématurés pour les aider à vivre hors de ce cocon dont ils sont sortis plus tôt que prévu ?

Oui. Le meilleur cocon que l’on puisse recréer hors utéro, c’est le peau à peau. C’est un vrai soin en lui-même. On peut sortir un bébé de sa couveuse, même s’il reste branché aux machines qui lui permettent de rester en vie, pour le poser contre le torse dénudé de son père ou de sa mère. C’est la meilleure manière pour le bébé de se retrouver en sécurité, au plus près de ce qu’il ressentait in utero. La chaleur lui permet de mieux réguler sa température, entendre les battements du cœur, le son de la voix, les mélodies le rassurent. C’est essentiel. C’est pour ma part une habitude que j’ai gardée au retour à la maison. J’ai aussi beaucoup, et pendant longtemps, massé ma fille. Sans doute parce qu’on avait pris l’habitude de se câliner en peau en peau. Ce contact très charnel procuré par le massage, elle en avait certainement davantage besoin qu’un enfant né à terme. 


Héloïse de Monstiers est l’auteure de Peau à Peau, paru aux éditions Buchet Chastel

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